Enfin arrivée. La fatigue tire les traits de Lunedor. Depuis les Flandres, ils ont voyagé sans s'arrêter pour autre chose que changer les chevaux. Et avant cela, combien de provinces traversées, combien de jours de voyage? Elle se trouve incapable de les dénombrer. Il lui semble avoir toujours vécu ainsi, entre deux étapes, entre deux logis dont pas un ne ressemble au précédent. Mais pour quelques jours c'en est fini de la hâte incessante, de l'angoisse du retard, de l'appréhension de ce qu'il y a aura au prochain carrefour, à la prochaine halte. Non, point de tout cela ici. Seulement le repos. Avant que de reprendre la route, elle est attendue. Une bouffée d'air avant de replonger en direction du nord-est pour un peu de calme vraisemblablement. De calme mais pas de sérénité si ce n'est une sérénité morbide.
Elle a demandé à ce qu'on lui prépare un bain. On ne tarde pas à la prévenir qu'il est prêt. Elle se dévêt puis on la guide, en chemise, jusqu'à ce qu'elle soit confortablement installée dans l'eau chaude parfumée. Les senteurs du lys et de la sauge montent peu à peu et emplissent la pièce de leur parfum entêtant.
Malgré tout, elle est venue. Un pas en avant, trois pas en arrière. Si elle avait voulu faire son devoir comme il se doit, elle ne serait pas venue. Elle serait restée là où est sa place. Mais elle est là. Ce qui est fait est fait. Il n'y a pas à revenir dessus.
Elle sort de son bain avec le même air sombre qui l'habite depuis un certain temps. Obscurité des temps, morosité des mines, avenir... Ce mot-là est à prendre avec des pincettes.
Décidément, elle ne parviendra pas à chasser ces sombres pensées qui la tiennent. Un peu de musique la détendrait sans doute.
Sitôt vêtue d'une de ces tenues très sombres qui forment sa garde-robe désormais, elle se fait apporter son luth. Un fin sourire étire ses lèvres tandis qu'elle fait courir ses doigts frêles sur l'instrument.