Sorti de la chapelle, l'humble Chevalier, qui avait tant de questions en tête, tant sur le sens de la vie et de la mort que sur le sens de sa venue à Ségur, erra un instant sur la pelouse d'hiver, ces herbes crispées par le froid venu, parti et à revenir. Il ne savait pas ce qu'il ferait. Partir dès à présent, sans même saluer la maîtresse de maison ? Se faire discret, ne pas imposer sa présence, et prendre la route, au plus vite, vers le Sud. Le Sud, le Sud ! Par tous les chemins... Chacun de ses éloignements n'était qu'un élan pour y mieux revenir.
Il serrait ses doigts sur le bâton de pèlerin que lui avait offert Ryllas, le bon Comte du Languedoc, en symbole de ses fiefs. L'ermite Rekkared... C'était le moment où il avait renoncé à tous les plaisirs de la vie, du monde, à son épouse, pour prier le salut des âmes humaines.
Cristòl, en fin de compte, avait agi exactement à l'identique de son père. E fructu arbor cognoscitur.
À cela près qu'il n'avait pas pris le temps du mariage. Tout avait été trop vite. Précipité dans l'ermitage... Le mariage était passé à l'as.
Il était désormais ermite, mais tous ls chemins toujours le ramenaient à ses chères Fenouillèdes, plus chères encore que Saint-Félix, qui avait pourtant bien de la valeur et du symbole, à ses yeux. Mais les Fenouillèdes étaient maternelles, quand Saint-Félix était paternel. Les Fenouillèdes étaient ses chères montagnes, ses chères vallées. La féminité importait beaucoup à Cristòl. La Fenolheda. Il n'avait jamais été entouré que de femmes...
Il y en avait justement une, assise sur un banc de pierre, non loin. Le Chevalier, toujours humble et révérencieux, s'approcha de la jeune femme, dont le regard était perdu dans le lointain. Savait-elle qu'il était là ? Ses pas étouffés dans l'herbe ne l'avaient peut-être pas trahi... Mais cette discrétion n'était pas celle de sa cape noire, qui n'était bonne dissimulatrice que dans les recoins sombres d'une chapelle. Alors, la jeune fille devait bien l'avoir vu.
-"Bonjòrn, Donaisèla."